« Notre ambition numérique pour la France »

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Tribune du Ministre des Affaires étrangères et du Secrétaire d’Etat au Numérique publiée dans Les Echos du 19.12.2017 : « Notre ambition numérique pour la France »

Nous vivons à l’âge numérique, un âge de transformation globale et de rupture stratégique. Qu’il s’agisse de la réussite de notre économie dans la compétition mondiale ou de la paix et de la puissance à l’échelle globale, le numérique est désormais un enjeu majeur pour notre politique étrangère et pour l’action publique dans son ensemble.

L’espace numérique peut donner à nos valeurs démocratiques un nouveau souffle, mais nous faisons aussi face au risque d’un monde numérique manipulé contre les vertus d’ouverture dont il devait être le garant. La remise en question de la neutralité du Net en est un nouvel exemple. La France réitère son attachement à ce principe.

Répondre à ces défis, dessiner les contours d’un monde numérique fait de coopération, d’ouverture et de confiance, tels sont les objectifs de la stratégie internationale de la France pour le numérique.

Notre premier défi est de faire de la France un pôle d’excellence numérique en confortant d’abord un écosystème favorable à l’innovation et à l’investissement. La French Tech est là pour accompagner le développement des start-up dans tous les secteurs. Renforcer l’activité numérique dans notre pays, c’est aussi assurer notre attractivité : c’est le sens du  French Tech Ticket et du  French Tech Visa qui permettent aux entrepreneurs et investisseurs étrangers de développer plus facilement leurs projets en France.

Dans le demi-siècle à venir, de nouvelles ruptures technologiques auront très vraisemblablement des conséquences similaires, voire supérieures, à celles de la première révolution numérique. Nous devons être des acteurs de cette nouvelle course à l’innovation. C’est l’objectif de la mission confiée par le Premier ministre à Cédric Villani et de la stratégie pour l’intelligence artificielle qui sera élaborée dans les mois à venir.

La clef réside dans un effort de recherche et de développement conjoint à l’échelle européenne, gage de souveraineté renforcée pour chacun des Etats membres. Il peut passer, comme l’a proposé le président de la République, par la création d’une « Agence européenne pour l’innovation de rupture ».

Cette ambition économique suppose aussi des règles du jeu équitables en matière de concurrence et de fiscalité. Nous avons besoin d’une régulation à l’échelle européenne pour limiter les distorsions économiques liées à la transition numérique. Nous travaillons donc à des projets de taxation afin que le caractère immatériel de l’activité numérique n’échappe pas à une imposition adaptée.

Mais les enjeux du numérique irriguent aussi les sujets démocratiques, justifiant l’impulsion active de la France en faveur du Partenariat pour un gouvernement ouvert, et de sécurité.

Des formes nouvelles de conflictualité apparaissent ainsi dans le cyberespace, comme l’atteste l’augmentation exponentielle des attaques informatiques à travers le monde. Les cibles sont diverses ; les attaquants le sont aussi, qu’ils soient de nature étatique ou qu’ils forment les rangs d’un véritable marché de l’ingérence.

Pour assurer les conditions de la stabilité dans l’espace numérique, nous avons besoin d’établir une cybersécurité collective en nous appuyant sur les équilibres définis par le droit international, et notamment la Charte des Nations unies. En outre, l’irruption du numérique comme outil et espace de confrontation confère au secteur privé des responsabilités inédites dans la préservation de la sécurité internationale. C’est notamment le cas de la lutte contre les organisations terroristes afin de retirer les contenus terroristes en ligne et prévenir leur réapparition et leur diffusion.

Il faut donc que les Etats engagent entre eux, avec le secteur privé et le monde de la recherche, de nouveaux travaux pour définir des formes de régulation adaptées à l’évolution du monde numérique. Cette innovation multilatérale, réaliste et pragmatique, c’est la méthode que la France souhaite porter.

Jean-Yves Le Drian est ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Mounir Mahjoubi est secrétaire d’Etat au Numérique.