Alors que les USA viennent de remettre en cause le principe de la liberté du Net, voici quelques éléments d’information sur cette notion et ce qu’elle représente comme enjeux.
>> Le site de l’ARCEP (Autorité de régulation des communications électroniques et des postes)
>> Règlement européen relatif à l’internet ouvert : à lire ici
>> Publication du site vie-publique.fr :
Le 14 décembre 2017, les États-Unis à travers leur agence fédérale des communications, la Federal Communications Commission (FCC), ont abandonné le principe de neutralité du Net. Ce principe fondateur d’internet garantit la libre circulation des contenus sur le Web. Au lendemain de la décision américaine, il est utile de rappeler les enjeux liés à la neutralité du Net et la situation en France et en Europe
La neutralité, principe fondateur d’internet
La neutralité du Net est un principe fondateur d’Internet qui garantit la libre circulation, sans discriminationDiscriminationDistinction entre individus ou groupes d’après certains caractères particuliers (sexe, origine…) aboutissant à une inégalité. des contenus sur le web. Cette neutralité peut avoir des conséquences importantes non seulement en matière économique (libre concurrence et régulation des acteurs dominants du marché) mais également en termes de respect de la vie privée des internautes, de garantie de la liberté d’expression et de qualité et continuité des services offerts sur Internet.
Internet a été conçu comme un réseau ouvert, reposant sur une architecture décentralisée et le principe du « meilleur effort » : chaque opérateur doit faire de son mieux pour assurer la transmission de tous les paquets de données qui transitent par son réseau, sans garantie de résultat (obligation de moyen) mais en excluant toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise.
Les principaux acteurs d’internet sont les opérateurs de réseaux (opérateurs de réseaux fixe ou mobile, fournisseurs d’accès à internet) et les fournisseurs de services et de contenus (sociétés telles que Google, Skype, etc.).
Les utilisateurs d’internet sont tour à tour récepteurs et émetteurs d’informations ou de services (blogs, réseaux sociaux, Wikipédia, etc.). En bout de réseau, chaque personne a vocation à créer et émettre de l’information (principe du bout à bout). Internet est un réseau universel, partagé par tous et décentralisé. La neutralité d’internet consiste dans la liberté de transmission au sein de l’architecture communicationnelle d’internet. Cette neutralité de l’internet est une condition essentielle à son bon fonctionnement et à son développement.
La neutralité en France
La loi pour une République numérique du 7 octobre 2016 a inscrit le principe de neutralité de l’internet dans le droit français. Le principe interdit aux fournisseurs d’accès à internet (FAI) de discriminer l’accès au réseau en fonction des services (par exemple en offrant un internet plus lent à certains clients et plus rapide à d’autres pour accéder à un service identique à partir d’une même offre).
L’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) est garante de la neutralité de l’Internet. Cette neutralité a été consacrée comme principe par le règlement européen du 25 novembre 2015 sur l’Internet ouvert, applicable depuis le 30 avril 2016. Pour faire respecter ce principe, la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique a conféré à l’Arcep de nouveaux pouvoirs d’enquête et de sanction à l’encontre des opérateurs.
Ainsi, l’Arcep a pu faire retirer dans les conditions générales de vente de certains FAI des clauses contraires à la neutralité, qui prévoyaient des blocages de services et de type d’usage (comme l’interdiction du peer-to-peer). L’Arcep rappelle également que des pratiques comme le « zero-rating » (pratique de certains FAI, en général pour les offres mobiles, consistant à ne pas facturer dans le forfait l’accès à certains sites ou applications) sont contraires au règlement européen.
Au niveau européen, c’est le Body of European Regulators for Electronic Communications (Berec) qui est chargé de l’application du principe de neutralité du Net.
Au lendemain de la décision américaine, le président de l’Arcep, également à la tête du Berec, a déclaré que l’abandon de la neutralité aux États-Unis n’aurait pas d’impact direct en Europe. « Cela n’aura pas d’impact direct en Europe. C’est complètement indépendant et étanche. La neutralité du Net est un régime d’obligations qui s’impose aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI), qui sont soumis à une régulation nationale et européenne. Il peut y avoir des impacts indirects : on peut s’attendre à ce que cette décision alimente le discours des opérateurs télécoms européens et français en faveur de la suppression de cette législation. »
Les enjeux économiques et sociaux de la neutralité du Net
Un précédent président de l’Arcep, Jean-Ludovic Silicani, considérait que sous l’apparence d’une question très technique ou, à l’inverse, très théorique, ce sujet « est un des plus fondamentaux que notre économie et notre société aient à traiter au cours des prochaines années, au niveau de chaque pays comme au plan mondial … [car] le bon fonctionnement des réseaux de communications électroniques et de l’internet va constituer une des questions clés de l’avenir de notre planète. Une crise de ces réseaux hypothéquerait l’ensemble des activités et conduirait à un dérèglement général de l’économie et de la société ».
Les opérateurs d’internet disposent de moyens technologiques qui autorisent une gestion discriminatoire des flux d’informations et peuvent constituer des entraves à la neutralité du net. Ces moyens permettent d’analyser les contenus (de procéder ainsi à la priorisation, au filtrage ou au blocage de certains contenus) et d’organiser leur circulation à plusieurs vitesses.
Les opérateurs de réseau qui militent en faveur de l’abandon de la neutralité justifient ces restrictions d’un point de vue financier. Elles permettraient de dégager des marges de financement supplémentaires requises pour les investissements dans les réseaux.
De même, des gouvernements tentent de mettre en place des techniques de filtrage du réseau pour rétablir un contrôle sur l’information d’internet, à l’image de celui dont ils jouissent sur les médias traditionnels.
Cependant, la préservation de la neutralité d’internet est d’abord un enjeu démocratique. La neutralité du net met les citoyens sur un pied d’égalité et permet à tous de s’exprimer librement. Internet est une plateforme d’expression égalitaire qui se distingue à cet égard des moyens de communication traditionnels (radio, TV, presse) car aucun investissement n’est requis pour émettre de l’information.
L’internet ouvert présente, de plus, des enjeux économiques et apparaît comme un incubateur d’innovations. Face aux groupes commerciaux prestataires de services, n’importe quelle petite entreprise peut distribuer librement des services sur internet et entrer en concurrence sur le marché global. Internet est propice à « l’innovation sans permis », des start-up peuvent distribuer à moindre coût et sans autorisation préalable de la part de l’opérateur toute innovation.
Enfin internet contient son propre principe de développement et présente, par là même, d’importants enjeux en matière d’investissement dans l’innovation. En effet, l’enrichissement et l’innovation croissante des services et contenus proposés par internet favorisent l’augmentation du nombre d’utilisateurs.
Garantir le principe de neutralité d’internet n’équivaut pas à refuser toute pratique de gestion du trafic. Des exigences légales, l’utilisation d’internet devant se faire dans le cadre de la loi, mais également techniques autorisent des atteintes ciblées, temporaires et transparentes au principe de neutralité d’internet sans le remettre en cause (par exemple, blocage des sites avec des contenus pédopornographiques, etc.).
(texte issu du site vie-publique.fr)
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